Touche pas à mes quotas : l'appel de la Sacem
EXCLUSIF - La filière musicale se mobilise pour la sauvegarde des quotas de chansons françaises sur les radios, à trois jours d'un rendez-vous parlementaire décisif.
Les chanteurs montent au front. Plus de 1.800 artistes (voir ci-dessous) de la filière musicale - interprètes, compositeurs, auteurs, producteurs, éditeurs, mais aussi écrivains, cinéastes et académiciens - ont déjà signé l'appel de la Sacem, à l'heure où nous paraissons, pour défendre les quotas.
"Le sujet n'est pas simple mais l'enjeu est essentiel"
Cette mesure emblématique impose depuis 1996 aux radios de diffuser 40% de chansons en langue française. Indispensable pour les défenseurs de la francophonie, combattue par certaines radios commerciales, elle suscite depuis près de vingt ans des débats enflammés. L'appel lancé cette semaine par la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique survient à un moment crucial.
Mercredi, la commission mixte paritaire du Parlement doit étudier les dispositions de la future "loi création" sur lesquelles le Sénat et l'Assemblée nationale n'ont pas réussi à trouver un accord. Parmi ces dispositions, l'article 11 ter, défendu par la ministre de la Culture pour trouver un compromis sur les quotas, question âprement débattue depuis septembre 2015. "Le sujet n'est pas simple mais l'enjeu est essentiel", nous a déclaré Audrey Azoulay, qui a pu mesurer toute la difficulté à (ré)concilier deux logiques antagonistes : course à l'audience pour les uns, enjeu culturel pour les autres. Retour sur les derniers actes d'une bataille parlementaire qui vire à la cacophonie.
Acte 1
Septembre 2015, l'Assemblée nationale vote un amendement pour lutter contre les contournements des quotas par certaines radios. Exemple, NRJ réalise 75% de sa programmation avec dix titres francophones. L'amendement prévoit donc le plafonnement des rotations. Concrètement, si 50% de la programmation d'une radio est réalisée de cette façon, les diffusions supplémentaires de ces mêmes chansons ne seront plus prises en compte. Les radios devront passer d'autres titres pour atteindre les 40%. Satisfaction de la filière musicale. Et grosse colère des radios commerciales. NRJ décrète une journée de grève des quotas et invite ses auditeurs, via des spots sur le thème "Ta liberté est en danger", à inonder le standard de Matignon d'appels courroucés - le numéro est même balancé à l'antenne.
Joint samedi, Gaël Sanquer, directeur des antennes de NRJ, dénonce "un manque de concertation, une méconnaissance de la réalité de notre métier et une mise sous tutelle. Freiner ou plafonner les rotations d'un titre serait comme casser les jambes d'un athlète à mi-parcours". Sans oublier "la concurrence d'Internet" avec les plateformes d'écoute, YouTube et les webradios.
Acte 2
Face à cette bronca, Audrey Azoulay, nommée ministre de la Culture en février 2016, tente d'apaiser les esprits et propose un nouvel amendement le 21 mars. Le plafonnement des rotations est maintenu mais complété par une disposition permettant une baisse des quotas de 5 points pour les radios qui prendraient des "engagements en matière de diversité", sous le contrôle du CSA.
La Sacem, elle, dénonce le flou juridique de cette disposition qui "vide de sa substance l'amendement sur le plafonnement". Un point de vue soutenu par Francis Cabrel. Le 16 mai, le chanteur invite dans une tribune dans La Dépêche du Midi les sociétés de radios à "un consensus qui aurait le patriotisme comme porte-étendard". Il dénonce la baisse de 5 points votée le 21 mars, plaide pour des heures de diffusions "décentes" de chansons françaises, "le matin, l'après-midi et en début de soirée".