Face à la crise : résilience et solidarité
Annulation en cascades des festivals de l’été et des nombreux concerts programmés avant le 15 juillet. Le secteur de la musique subit de plein fouet les effets de la crise sanitaire. Dès la mi-mars, la Sacem a pris une série de dispositions pour soutenir les utilisateurs de musique. Elle a ensuite mis en place un plan d’urgence pour venir en aide à ses membres fragilisés par cette crise. Quant aux acteurs de la filière, ils tentent de s’adapter pour survivre ou rebondir en s’appuyant sur une des valeurs clés de la Sacem, la solidarité…
C’est un coup d’arrêt à la vie culturelle. Depuis le 13 mars dernier, les spectacles sont annulés, les librairies et les disquaires ont fermé, les cours de musique n’ont plus lieu… C’est toute une filière qui est empêchée. Dans un secteur à l’économie fragile, l’inquiétude est forte. « Si nous pouvons reprendre une activité début juin, même timidement, on s’en sortira » estime Jean-Michel Leygonie, directeur du label Laborie Jazz. Ce petit label qui compte dans le jazz a les reins plus solides que d’autres mais a malgré tout préféré annuler l’édition 2020 du festival Éclats d’émail qui se tient tous les ans en Chine, à l’automne.
« On a renoncé au financement qui était prévu par la Sacem pour notre projet. On se doutait qu’elle devrait faire face aux difficultés de nombre de ses sociétaires » explique le directeur du label. Celle-ci a donc été intégralement reversée au fonds d’urgence créé pour soutenir les artistes les plus fragiles économiquement. L’événement a été reporté en 2021. Jean-Michel Leygonie se dit « confiant dans ses partenaires locaux », du fait de son ancrage solide en Chine.
« UN PRINTEMPS IMAGINAIRE »
Point de départ emblématique de la saison des festivals, le Printemps de Bourges est l’un des premiers à avoir annoncé son annulation. « Nous avons essuyé beaucoup de plâtres » explique son directeur Boris Vedel. « Heureusement, nos partenaires, comme la Sacem, ont très vite répondu présent. Les festivaliers aussi nous ont largement soutenu. Ça nous a permis de mettre le Printemps à l’abri, même si ça n’est pas complètement acquis » poursuit-il. Et d’envisager la tenue d’un « Printemps Imaginaire ».
« Tout est parti d’une phrase lancée en réunion : ‘’ il ne peut pas y avoir de printemps sans Printemps’’. Peu à peu, l’idée prend forme et le projet naît » raconte le directeur du festival. « Cela a tout de suite suscité l’engouement des artistes comme des partenaires » se réjouit-il. Ce « Printemps Imaginaire » se déroulera, du 21 au 26 avril sur internet. Ses organisateurs n’ont pas voulu de rendez-vous fixe mais plutôt « un Printemps protéiforme, qui correspond à la nature créative du festival ; une somme de cartes blanches données aux artistes programmés ». Une chanson, une reprise, une playlist, un édito ou même un dessin… Les formats seront multiples et suivront la programmation initiale. Avec le confinement, l’équipe travaille d’arrache-pied pour l’aboutissement concret du projet ; « des problèmes de riches, balaie Boris Vedel avec un brin d’humour, après ces dernières semaines, ça fait du bien ».
Le directeur du Printemps de Bourges se réjouit que l’événement ait malgré tout pu « prendre la place qui est la sienne : celle de lancer la saison des festivals. » Et affirmer sa singularité : « les valeurs du Printemps sont l’émergence, la création. Avec ce festival de l’irréel, cet esprit vit malgré tout cette année » estime-t-il.
« SOUTIEN INDÉFECTIBLE DE LA SACEM »
Le festival international du film d’Aubagne aussi a dû se réinventer. « En quinze jours, nous avons dû nous adapter et monter de A à Z une plateforme de vidéo à la demande. Tous nos frais étaient engagés, il était impensable de tout annuler purement et simplement. Nous ne voulions pas laisser tomber les artistes qui travaillent avec nous » explique Gaëlle Milbeau, sa déléguée générale. 80 % de la programmation initiale était disponible sur la plateforme de vidéo à la demande, à l’exception des films ayant reporté leur sortie. Autre gros morceau du festival, le marché européen de composition musicale a également pu se tenir : « toutes les rencontres entre compositeurs et réalisateurs ont eu lieu par visioconférence. À l’issue du festival, quatre projets ont déjà été signés » se félicite-t-elle. « Sans le soutien indéfectible de la Sacem, nous n’aurions pas pu réussir tout cela » estime la responsable du festival d’Aubagne. « À partir du moment où nous avons dû annuler, elle a toujours été à nos côtés ».
D’autres événements ont aussi pu adapter leur programmation. Certaines initiatives sont même nées du confinement : le festival « Je reste à la maison » a organisé sur les réseaux sociaux une semaine de concerts. Le festival Détours de Babel, qui devait fêter ses dix ans cette année, a diffusé sur internet des extraits de spectacles, d’interviews des neuf éditions précédentes. Ils ont aussi proposé cafés et apéros musicaux.
RÉPONDRE À UNE SOIF D’ÉVASION
Une créativité qui fuse de toutes parts sur internet et illustre un réel besoin de culture. « Paradoxalement, explique la responsable du festival d’Aubagne, nous avons touché un public qu’on ne connaissait pas du tout. 18 000 comptes ont été créés sur la plateforme de vidéo à la demande, on estime que 36 000 personnes ont vu les films. » L’accès aux films était gratuit pour les utilisateurs : « une volonté de partage » assure-t-elle. Un pari qui s’est avéré gagnant ; « nous avons reçu énormément de messages pour nous remercier, nous dire combien cela leur a permis de s’évader ».
S’il reste plutôt optimiste pour l’avenir, Jean-Michel Leygonie regrette que des modalités n’aient pas été prévues pour les librairies et disquaires indépendants : « dans cette période, on voit que la nourriture de l’esprit est importante » estime-t-il.
Un constat partagé par Boris Vedel, pour qui la culture est « l’un des secteurs les plus durement frappés, et dont l’horizon est parmi les plus obscurcis pour l’instant ». Malgré tout, analyse-t-il « un festival, c’est une œuvre humaine, un lieu de vivre ensemble. Or l’évasion et les autres, ce sont les deux choses qui nous manquent le plus aujourd’hui. »
Philippine Donnelly
> Les équipes de la Sacem traitent actuellement les centaines de demandes au Fonds de secours d’urgence mis en place conjointement avec le Comité du Cœur.
> Le Conseil d’administration de la Sacem a adopté en mars une série de mesures pour venir en aide aux auteurs, compositeurs et éditeurs de musique en difficulté.
C’est un coup d’arrêt à la vie culturelle. Depuis le 13 mars dernier, les spectacles sont annulés, les librairies et les disquaires ont fermé, les cours de musique n’ont plus lieu… C’est toute une filière qui est empêchée. Dans un secteur à l’économie fragile, l’inquiétude est forte. « Si nous pouvons reprendre une activité début juin, même timidement, on s’en sortira » estime Jean-Michel Leygonie, directeur du label Laborie Jazz. Ce petit label qui compte dans le jazz a les reins plus solides que d’autres mais a malgré tout préféré annuler l’édition 2020 du festival Éclats d’émail qui se tient tous les ans en Chine, à l’automne.
« On a renoncé au financement qui était prévu par la Sacem pour notre projet. On se doutait qu’elle devrait faire face aux difficultés de nombre de ses sociétaires » explique le directeur du label. Celle-ci a donc été intégralement reversée au fonds d’urgence créé pour soutenir les artistes les plus fragiles économiquement. L’événement a été reporté en 2021. Jean-Michel Leygonie se dit « confiant dans ses partenaires locaux », du fait de son ancrage solide en Chine.
« UN PRINTEMPS IMAGINAIRE »
Point de départ emblématique de la saison des festivals, le Printemps de Bourges est l’un des premiers à avoir annoncé son annulation. « Nous avons essuyé beaucoup de plâtres » explique son directeur Boris Vedel. « Heureusement, nos partenaires, comme la Sacem, ont très vite répondu présent. Les festivaliers aussi nous ont largement soutenu. Ça nous a permis de mettre le Printemps à l’abri, même si ça n’est pas complètement acquis » poursuit-il. Et d’envisager la tenue d’un « Printemps Imaginaire ».
« Tout est parti d’une phrase lancée en réunion : ‘’ il ne peut pas y avoir de printemps sans Printemps’’. Peu à peu, l’idée prend forme et le projet naît » raconte le directeur du festival. « Cela a tout de suite suscité l’engouement des artistes comme des partenaires » se réjouit-il. Ce « Printemps Imaginaire » se déroulera, du 21 au 26 avril sur internet. Ses organisateurs n’ont pas voulu de rendez-vous fixe mais plutôt « un Printemps protéiforme, qui correspond à la nature créative du festival ; une somme de cartes blanches données aux artistes programmés ». Une chanson, une reprise, une playlist, un édito ou même un dessin… Les formats seront multiples et suivront la programmation initiale. Avec le confinement, l’équipe travaille d’arrache-pied pour l’aboutissement concret du projet ; « des problèmes de riches, balaie Boris Vedel avec un brin d’humour, après ces dernières semaines, ça fait du bien ».
Le directeur du Printemps de Bourges se réjouit que l’événement ait malgré tout pu « prendre la place qui est la sienne : celle de lancer la saison des festivals. » Et affirmer sa singularité : « les valeurs du Printemps sont l’émergence, la création. Avec ce festival de l’irréel, cet esprit vit malgré tout cette année » estime-t-il.
« SOUTIEN INDÉFECTIBLE DE LA SACEM »
Le festival international du film d’Aubagne aussi a dû se réinventer. « En quinze jours, nous avons dû nous adapter et monter de A à Z une plateforme de vidéo à la demande. Tous nos frais étaient engagés, il était impensable de tout annuler purement et simplement. Nous ne voulions pas laisser tomber les artistes qui travaillent avec nous » explique Gaëlle Milbeau, sa déléguée générale. 80 % de la programmation initiale était disponible sur la plateforme de vidéo à la demande, à l’exception des films ayant reporté leur sortie. Autre gros morceau du festival, le marché européen de composition musicale a également pu se tenir : « toutes les rencontres entre compositeurs et réalisateurs ont eu lieu par visioconférence. À l’issue du festival, quatre projets ont déjà été signés » se félicite-t-elle. « Sans le soutien indéfectible de la Sacem, nous n’aurions pas pu réussir tout cela » estime la responsable du festival d’Aubagne. « À partir du moment où nous avons dû annuler, elle a toujours été à nos côtés ».
D’autres événements ont aussi pu adapter leur programmation. Certaines initiatives sont même nées du confinement : le festival « Je reste à la maison » a organisé sur les réseaux sociaux une semaine de concerts. Le festival Détours de Babel, qui devait fêter ses dix ans cette année, a diffusé sur internet des extraits de spectacles, d’interviews des neuf éditions précédentes. Ils ont aussi proposé cafés et apéros musicaux.
RÉPONDRE À UNE SOIF D’ÉVASION
Une créativité qui fuse de toutes parts sur internet et illustre un réel besoin de culture. « Paradoxalement, explique la responsable du festival d’Aubagne, nous avons touché un public qu’on ne connaissait pas du tout. 18 000 comptes ont été créés sur la plateforme de vidéo à la demande, on estime que 36 000 personnes ont vu les films. » L’accès aux films était gratuit pour les utilisateurs : « une volonté de partage » assure-t-elle. Un pari qui s’est avéré gagnant ; « nous avons reçu énormément de messages pour nous remercier, nous dire combien cela leur a permis de s’évader ».
S’il reste plutôt optimiste pour l’avenir, Jean-Michel Leygonie regrette que des modalités n’aient pas été prévues pour les librairies et disquaires indépendants : « dans cette période, on voit que la nourriture de l’esprit est importante » estime-t-il.
Un constat partagé par Boris Vedel, pour qui la culture est « l’un des secteurs les plus durement frappés, et dont l’horizon est parmi les plus obscurcis pour l’instant ». Malgré tout, analyse-t-il « un festival, c’est une œuvre humaine, un lieu de vivre ensemble. Or l’évasion et les autres, ce sont les deux choses qui nous manquent le plus aujourd’hui. »
Philippine Donnelly
> Les équipes de la Sacem traitent actuellement les centaines de demandes au Fonds de secours d’urgence mis en place conjointement avec le Comité du Cœur.
> Le Conseil d’administration de la Sacem a adopté en mars une série de mesures pour venir en aide aux auteurs, compositeurs et éditeurs de musique en difficulté.